La nouvelle loi sur le blanchiment d’argent et les
pratiques de compliance
(article paru dans Aujourd’hui
le Brésil)
Par
Roberto Bedrikow*
Le Brésil est un pays plein d’opportunités, mais
aussi de lois et réglementations qui évoluent constamment. C’est là l’une des
difficultés majeures pour les entreprises, notamment lorsque cette législation
ne concerne pas directement le noyau de leurs activités.
L’un des sujets qui ne concernent, heureusement, que
de façon indirecte la plupart des entreprises c’est le blanchiment d’argent,
car peu sont celles qui agissent dans ce but. Néanmoins, aucune ne peut se
considérer à l’abri des conséquences de l’indifférence. L’échec de la
communauté internationale dans sa lutte contre le blanchiment d’argent, et
aussi la corruption, par le biais exclusif de la répression a conduit à
l’adoption de normes internationales (Conventions de Vienne de 1988 et de
Palerme de 2000, Recommendations du GAFI[1])
demandant aux pays de prendre des mesures efficaces non seulement pour punir,
mais aussi pour prévenir autant qu’il se peut cette forme de criminalité. La
conséquence est l’adoption de législations nationales qui, outre les normas
pénales, créent des obligations dont le respect sera de plus en plus exigé
tandis que les manquements seront de plus en plus coûteux.
Au Brésil, la loi nº 12.683, du 9 juillet 2012, a
introduit d’importantes modifications dans la législation sur le blanchiment
d’argent. D’abord, les peines de réclusion (de 3 à 10 ans) et amende pour le
crime de blanchiment d’argent ne se limitent plus aux seuls huit crimes qui
étaient prévus auparavant, mais peuvent être appliquées maintenant pour des
biens provenant de n’importe quelle infraction pénale. Ensuite, le champ d’application
de la loi est devenu tellement vaste que son applicabilité ne connaît
pratiquement aucune exception et la simple utilisation d’un tel bien, même
lorsque son origine illicite n’était pas connue, peut engendrer des
conséquences pour celui qui n’a rien fait pour l’éviter.
Ainsi, l’obligation d’adopter des mesures pour
connaître le client (‘ Know Your
Client ’), des politiques, procédures et contrôles adéquats (compliance) selon les dispositions
légales et les normes des organes compétents doit être prise très au sérieux.
Les sanctions légales vont de l’amende (double de la valeur de l’opération ou
du bénéfice réel obtenu ou présumé, plafonnant à vingt millions de reais –environ 10,2 millions de dollars
ou 9,6 millions de francs suisses ou 7,7 millions d’euros) jusqu’à l’inhabilitation
temporaire, pouvant s’étendre jusqu’à dix ans, pour l’exercice de l’activité
d’administrateur, ou encore la suspension ou la cassation de l’autorisation
pour l’activité, l’opération ou le fonctionnement de l’entreprise.
Le COAF –Conseil de Contrôle des Activités Financières-
du Ministère des Finances a repris ses activités de réglementation par
l’adoption de pas moins de cinq nouvelles résolutions (portant sur les
activités de: affacturage [factoring];
distribution d’argent ou de biens meubles ou immeubles par loteries; commerce
de bijoux et pierres et métaux précieux; conseil, contabilité, audit, assistance ;
commerce ou intermédiation de biens de luxe ou de haute valeur), lesquelles
viennent d’entrer en viguer ou entreront jusqu’au 1er juin prochain.
Par ailleurs, le Ministère Public Fédéral a entrepris d’obliger les entités
compétentes à adopter leurs propres réglementations à la lumière de la nouvelle
loi et de soutenir les mesures judiciaires des tribunaux en matière de
blanchiment d’argent.
Dans ce nouveau cadre de lutte contre le blanchiment
d’argent, d’ailleurs très influencé par les scandales survenus pendant l’année
2012 en Europe et aux États Unis et notamment par la rigueur des autorités, y
compris pour des opérations à l’étranger,[2]
on peut s’attendre à une plus grande rigueur dans l’application de la loi sur
le blanchiment d’argent au Brésil aussi. Dès lors, il est essentiel, avant même
les premières sanctions plus expressives et coûteuses, que les entreprises
adoptent les pratiques de compliance
(sensibilisation et formation de leurs équipes, élaboration et mise en oeuvre
de programmes, évaluations et améliorations constantes) qui mieux les
préservent des possibles conséquences fâcheuses, pour ne pas dire plus, des
manquements à leurs obligations légales. L’adoption de ces pratiques doit être
faite selon une approche éminemment juridique, car ce qui sera déterminant ce
sera la nature et la solidité de la preuve qui sera produite, le cas échéant,
devant les autorités administratives et/ou judiciaires.
*Juriste (Université de Genève); avocat inscrit au
Barreau à São Paulo et associé à Suchodolski Advogados Associados (www.suchodolski.com)
[1] Groupe d’action financière, qui est un
organisme intergouvernemental créé en 1989 par les Ministres de ses états membres
pour l’élaboration des normes et la promotion de l’efficace application de
mesures législatives, réglementaires et opérationnelles en matière de lutte
contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et les autres
menaces liées pour l’intégrité du système financier international. Le GAFI a
élaboré une série de Recommandations reconnues comme étant la norme
internationale en ces matières.
[2] Par exemple l’amende de 1,92 milliards de
dollars infligée en décembre 2012 à la banque HSBC aux États Unis pour, entre
autres, ses opérations au Mexique.
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