Monday, September 30, 2013

BRÉSIL: LOI SUR LE BLANCHIMENT D'ARGENT


La nouvelle loi sur le blanchiment d’argent et les pratiques de compliance

(article paru dans Aujourd’hui le Brésil 

Par Roberto Bedrikow*


 

Le Brésil est un pays plein d’opportunités, mais aussi de lois et réglementations qui évoluent constamment. C’est là l’une des difficultés majeures pour les entreprises, notamment lorsque cette législation ne concerne pas directement le noyau de leurs activités.     

L’un des sujets qui ne concernent, heureusement, que de façon indirecte la plupart des entreprises c’est le blanchiment d’argent, car peu sont celles qui agissent dans ce but. Néanmoins, aucune ne peut se considérer à l’abri des conséquences de l’indifférence. L’échec de la communauté internationale dans sa lutte contre le blanchiment d’argent, et aussi la corruption, par le biais exclusif de la répression a conduit à l’adoption de normes internationales (Conventions de Vienne de 1988 et de Palerme de 2000, Recommendations du GAFI[1]) demandant aux pays de prendre des mesures efficaces non seulement pour punir, mais aussi pour prévenir autant qu’il se peut cette forme de criminalité. La conséquence est l’adoption de législations nationales qui, outre les normas pénales, créent des obligations dont le respect sera de plus en plus exigé tandis que les manquements seront de plus en plus coûteux.    

Au Brésil, la loi nº 12.683, du 9 juillet 2012, a introduit d’importantes modifications dans la législation sur le blanchiment d’argent. D’abord, les peines de réclusion (de 3 à 10 ans) et amende pour le crime de blanchiment d’argent ne se limitent plus aux seuls huit crimes qui étaient prévus auparavant, mais peuvent être appliquées maintenant pour des biens provenant de n’importe quelle infraction pénale. Ensuite, le champ d’application de la loi est devenu tellement vaste que son applicabilité ne connaît pratiquement aucune exception et la simple utilisation d’un tel bien, même lorsque son origine illicite n’était pas connue, peut engendrer des conséquences pour celui qui n’a rien fait pour l’éviter.

Ainsi, l’obligation d’adopter des mesures pour connaître le client (‘ Know Your Client ’), des politiques, procédures et contrôles adéquats (compliance) selon les dispositions légales et les normes des organes compétents doit être prise très au sérieux. Les sanctions légales vont de l’amende (double de la valeur de l’opération ou du bénéfice réel obtenu ou présumé, plafonnant à vingt millions de reais –environ 10,2 millions de dollars ou 9,6 millions de francs suisses ou 7,7 millions d’euros) jusqu’à l’inhabilitation temporaire, pouvant s’étendre jusqu’à dix ans, pour l’exercice de l’activité d’administrateur, ou encore la suspension ou la cassation de l’autorisation pour l’activité, l’opération ou le fonctionnement de l’entreprise.

Le COAF –Conseil de Contrôle des Activités Financières- du Ministère des Finances a repris ses activités de réglementation par l’adoption de pas moins de cinq nouvelles résolutions (portant sur les activités de: affacturage [factoring]; distribution d’argent ou de biens meubles ou immeubles par loteries; commerce de bijoux et pierres et métaux précieux; conseil, contabilité, audit, assistance ; commerce ou intermédiation de biens de luxe ou de haute valeur), lesquelles viennent d’entrer en viguer ou entreront jusqu’au 1er juin prochain. Par ailleurs, le Ministère Public Fédéral a entrepris d’obliger les entités compétentes à adopter leurs propres réglementations à la lumière de la nouvelle loi et de soutenir les mesures judiciaires des tribunaux en matière de blanchiment d’argent.

Dans ce nouveau cadre de lutte contre le blanchiment d’argent, d’ailleurs très influencé par les scandales survenus pendant l’année 2012 en Europe et aux États Unis et notamment par la rigueur des autorités, y compris pour des opérations à l’étranger,[2] on peut s’attendre à une plus grande rigueur dans l’application de la loi sur le blanchiment d’argent au Brésil aussi. Dès lors, il est essentiel, avant même les premières sanctions plus expressives et coûteuses, que les entreprises adoptent les pratiques de compliance (sensibilisation et formation de leurs équipes, élaboration et mise en oeuvre de programmes, évaluations et améliorations constantes) qui mieux les préservent des possibles conséquences fâcheuses, pour ne pas dire plus, des manquements à leurs obligations légales. L’adoption de ces pratiques doit être faite selon une approche éminemment juridique, car ce qui sera déterminant ce sera la nature et la solidité de la preuve qui sera produite, le cas échéant, devant les autorités administratives et/ou judiciaires.     

 

 

*Juriste (Université de Genève); avocat inscrit au Barreau à São Paulo et associé à Suchodolski Advogados Associados (www.suchodolski.com)



[1] Groupe d’action financière, qui est un organisme intergouvernemental créé en 1989 par les Ministres de ses états membres pour l’élaboration des normes et la promotion de l’efficace application de mesures législatives, réglementaires et opérationnelles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et les autres menaces liées pour l’intégrité du système financier international. Le GAFI a élaboré une série de Recommandations reconnues comme étant la norme internationale en ces matières.
 
[2] Par exemple l’amende de 1,92 milliards de dollars infligée en décembre 2012 à la banque HSBC aux États Unis pour, entre autres, ses opérations au Mexique.

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